Question à M. Rachid Madrane, ministre de la Jeunesse, de l’Aide à la jeunesse, des Maisons de justice, des Sports et de la Promotion de Bruxelles
M. André du Bus. – Aujourd’hui, plusieurs communes assurent la promotion de l’activité physique adaptée (APA) à des fins thérapeutiques, sur prescription médicale. Ce concept initialement lancé en Amérique du Nord en 2007 et baptisé «Exercise Medicine», est désormais implémenté en Europe. Il reste néanmoins peu développé en Belgique. En effet, à ma connaissance, seules trois communes ont officiellement adopté des projets de ce type depuis le début de cette année. Le concept se fonde sur plusieurs données probantes selon lesquelles l’activité physique joue un rôle préventif primaire et secondaire majeur dans le soutien de la prise en charge thérapeutique de plusieurs maladies chroniques telles que le diabète, l’hypertension artérielle, le cancer – notamment du sein, dont nous avons souvent parlé à la suite des travaux réalisés par l’Institut de Stockholm –, la dépression ou encore l’ostéoporose.
Dans le cadre de ces projets, les acteurs que sont les communes, les moniteurs du sport sur ordonnance et les médecins établissent un programme individualisé visant l’accompagnement des patients chroniques pendant plusieurs semaines par le biais de séances d’entretien thérapeutique du patient (ETP) et d’ »Exercise Therapy», pour ensuite les réorienter vers d’autres structures sportives adaptées et locales afin de leur permettre de pratiquer une activité physique sur le long terme.
L’intégration de l’activité physique dans le traitement de certaines pathologies pose néanmoins deux questions: d’une part, celle du positionnement, sur le plan opérationnel, des opérateurs aptes à proposer cette activité aux patients et, d’autre part, celle du rôle de soutien que la Communauté française adopte en réaction à ce positionnement. D’ailleurs, Monsieur le Ministre, lors d’une précédente interpellation à ce sujet en commission des Sports, vous avez répondu que vous considériez cette démarche comme positive. Parallèlement, vous constatiez que l’harmonisation de cette méthodologie médicale reste isolée en Belgique alors que nos voisins français ont adopté, le 30 décembre 2016, un décret relatif aux conditions de dispensation de l’activité physique adaptée prescrite par le médecin traitant à des patients atteints d’une affection de longue durée.
Vous vous souvenez des reportages consacrés à des femmes atteintes du cancer du sein et pratiquant l’aviron, accompagnées d’une équipe médicale.
Mes questions sont les suivantes. Votre administration et la Commission de prévention des risques pour la santé dans le sport se sont-elles penchées sur la question du sport sur ordonnance, comme le souhaitait votre prédécesseur? Vous avez indiqué, en réunion de commission, que le décret du 3 avril 2014 relatif à la prévention des risques pour la santé dans le sport pourrait servir de texte décrétal afin de réglementer la prescription d’activités physiques à visée thérapeutique. Si ce décret devait être modifié à l’avenir, prévoyez-vous d’y insérer des dispositions à ce sujet?
Quelles sont vos relations avec la ministre fédérale de la Santé à ce sujet? Quelles sont vos relations avec le ministre Marcourt chargé de l’Enseignement supérieur eu égard au fait que l’Université catholique de Louvain – qui sera suivie prochainement par l’Université de Liège – élabore un programme de formation en «Exercise Medecine»? Ce dernier est destiné aux titulaires d’un master en sciences de la motricité, orientation kinésithérapie et réadaptation ou orientation éducation physique. Il est important de rassembler les différents niveaux de pouvoir et politiques concernés par le sport sur ordonnance afin d’inscrire celui-ci dans un cadre législatif régissant notamment les questions du suivi, des modalités d’intervention, de la catégorie des intervenants susceptibles de dispenser une activité physique aux patients, etc. Le but est de reconnaître ce phénomène et de lui donner les moyens de se développer en Fédération Wallonie-Bruxelles.
Je souligne que nous sommes à la veille de l’avènement d’un phénomène qui va indiscutablement prendre de l’ampleur. Cette tendance est visible un peu partout et il s’agit d’un beau chantier en perspective.
M. Rachid Madrane, ministre de la Jeunesse. – Monsieur le Député, je vous remercie pour l’intérêt que vous portez à la problématique du sport sur ordonnance et plus particulièrement à la présentation du concept «Exercice Medicine» enseigné à l’Université catholique de Louvain (UCL).
Sans revenir trop longuement sur son historique – au sujet duquel moi-même ainsi que mes deux prédécesseurs avons eu l’occasion de nous exprimer à plusieurs reprises devant vous –, je vous confirme que les services de mon administration suivent les évolutions de ce dossier depuis plusieurs années maintenant. Le phénomène, bien que toujours peu développé en Belgique francophone, a effectivement évolué d’une pratique isolée – l’expérience pilote bien connue de Frasnes-lez-Anvaing –, vers un début d’initiatives diverses. Rappelons d’ailleurs à cet égard les exemples récents des communes de Chaudfontaine et d’Ottignies-Louvain-la-Neuve ou encore du projet à Namur. Ceux-ci sont regroupés sur la plateforme www.sport-sur-ordonnance.be.
Parallèlement et plus largement, nous voyons aussi s’ouvrir de nouvelles offres de services –qu’ils soient hospitaliers et/ou présentés sous forme d’ASBL – qui proposent une prise en charge de patients en traitement ou en revalidation oncologique. C’est l’exemple du Service SportS² du CHU Liège, ou de l’ASBL mouscronnoise «À vos marques, prêts…». Évoquons encore le travail effectué par l’Observatoire du Sport de Charleroi. La mise en œuvre et le développement de formations académiques en hautes écoles de type «Activités physiques adaptées» est également en augmentation, par exemple, récemment, au sein de la Haute École de la Province de Liège (HEPL).
Je vous rejoins lorsque vous affirmez que la question de l’intégration de l’activité physique dans le traitement de certaines pathologies pose celle du positionnement des acteurs aptes à proposer cette activité aux patients sur le plan opérationnel, ainsi qu’au rôle de soutien que la Communauté française pourrait envisager, notamment via les travaux de la Commission de prévention des risques pour la santé dans le sport. À ce jour, la commission n’a pas encore étudié la question.
Afin d’harmoniser la méthodologie tant médicale que sportive, mon administration et moi-même sommes toujours d’avis de pouvoir intégrer cette matière dans une révision du décret du 3 avril 2014 relatif à la prévention des risques pour la santé dans le sport et qui pourrait donc servir de base réglementant le sport sur ordonnance. Néanmoins, nous ne pourrons pas le faire sans collaborer avec d’autres niveaux de pouvoir. Cela nécessitera de travailler avec les autorités fédérales et régionales compétentes pour la santé, ainsi qu’avec le ministre de l’Enseignement supérieur. Ces collaborations n’ont pas encore en cours, mais soyez assuré que la problématique continue à mobiliser l’attention de mon administration. Notre but est d’évaluer les mesures à éventuellement favoriser pour pouvoir faire face à cette nouvelle réalité dans le secteur du sport.
M. André du Bus. – Je vous remercie, Monsieur le Ministre, pour votre réponse. J’en ignorais certains éléments, tels que l’existence d’une offre hospitalière à l’Université de Liège, à Mouscron et à Charleroi s’inscrivant également dans cette dynamique. Aujourd’hui, le positionnement des opérateurs est un sujet qui alimente de nombreuses discussions dans le secteur: s’agira-t-il d’éducateurs physiques, de kinésithérapeutes? D’autre part, qu’en est-il des salles de fitness et du type d’encadrement qui y est proposé? Dans certaines d’entre elles, l’encadrement est particulièrement sérieux, mais totalement anarchique dans d’autres! Se pose aussi la question de la fonction et du rôle de ces salles de sport. On ne va pas se limiter au vieux slogan «Bougez-vous, cela fait un bien fou!» quand, pour certaines personnes, il s’agit d’adapter les efforts à fournir à leur état cardiovasculaire, articulaire, musculaire, etc. Il convient ainsi de prendre en considération une série de considérations d’ordre physiologique et cela ne relève pas de la compétence d’un simple gestionnaire de salle de sport. Un encadrement est donc nécessaire.
D’autre part, nous savons que la formation, tant des kinésithérapeutes que des éducateurs physiques, est de plus en plus spécialisée. Au sein de ces filières, une orientation spécifique visant l’accompagnement thérapeutique pourrait-elle voir le jour? Ces questions méritent d’être traitées tant aux niveaux politique qu’académique, ainsi que par les acteurs de terrain. Je vous invite donc à envisager une conférence interministérielle (CIM) sur le sujet, en fonction de la CIM à laquelle vous avez accès. Je pense aux CIM de la Santé publique et de l’Enseignement. J’envisage de déposer une résolution sur cette question, invitant le gouvernement à se saisir du sujet avec les collègues néerlandophones, tant en CIM de la Santé publique qu’en CIM de l’Enseignement.
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