Rôle des kinésithérapeutes en matière de prévention et de promotion de la santé

Publié par andredubus le lun 14/07/2008 - 20:47
Question à Madame Catherine Fonck, Ministre

Madame la Ministre, Un des enjeux fondamentaux de la prévention et de la promotion de la santé est de permettre aux personnes, à titre individuel et à titre collectif, d’adopter des comportements porteurs de santé, visant à la fois la conquête du bien-être tout comme l’évitement d’une série de maladies.

Cela reste par ailleurs une des questions les plus passionnantes et les plus difficiles de l’action politique : comment susciter l’adoption de comportement et de conduites saines et positives dans le respect de chacun.

On retrouve le même type d’enjeu à propos de l’environnement. Parmi les stratégies utilisées dans la promotion de la santé, on remarque qu’une attention soutenue est portée à l’égard, d’une part, des lieux de vie (les écoles, les clubs sportifs, les entreprises, les quartiers, les familles – tous ces lieux où l’interaction entre les individus est une des composantes majeures de la socialisation et de l’adoption des comportements) et d’autre part à l’égard des personnes ressources.

Parmi les personnes ressources, on retrouve toutes les personnes qui, par leur statut et leur compétence, constituent des références structurantes pour les autres.

C’est le cas des personnes occupant des fonctions d’autorité (l’enseignant, le moniteur sportif) tout comme des personnes dont la profession est axée sur la santé. C’est le cas du monde médical et paramédical. On donne aux médecins un rôle important en matière de prévention.

En effet, différents plans de la ministre de la santé font référence à l’importance de la place du médecin (médecin traitant, gynécologue, médecin de travail) dans l’information et la prévention.

Ainsi, à titre d’exemple, le PCO prévoit l’indispensable collaboration, sensibilisation et information des médecins dans le dépistage du cancer du sein, dans la mise en œuvre du programme de vaccination, dans le dépistages des MST, dans la lutte contre la tuberculose et dans la prévention des traumatismes et la promotion de la sécurité.

D’autres plans ou programmes comme le plan de promotion des attitudes saines insistent également sur le rôle important du médecin traitant dans la prévention et la promotion de la santé.

Des outils et supports de campagnes de prévention sont dès lors mis à leur disposition pour qu’ils puissent informer au mieux les patients.

Un exemple assez récent depuis les législations portant sur l’interdiction de fumer est celui de l’aide à l’arrêt du tabagisme. Combien de fois n’entend-on pas de personnes reconnaître le rôle primordial qu’a joué leur médecin dans leur stratégie de sevrage tabagique ?

En tant que soutien, porteur de conseil et référent le médecin joue à cet égard une fonction réellement déterminante. Mais il n’est pas le seul à remplir ces fonctions. Il existe d’autres professionnels de la santé, et je pense particulièrement aux kinés, qui jouent des rôles très intéressants en matière de prévention et de promotion de la santé.

Un des premiers éléments propres à la kinésithérapie est le cadre structurel caractérisé par la récurrence des séances et leur durée. Le fait d’inscrire un traitement dans le temps, en revoyant un patient à plusieurs reprises et en passant physiquement du temps en sa présence, constitue un atout majeur pour faire passer des messages de santé. Une relation de confiance s’établit entre le patient et le praticien et crée ainsi les conditions propices à la réflexion et à l’adoption progressive par le patient de nouvelles attitudes et de nouveaux comportements. Ce qui est précisément pertinent en termes de prévention et de promotion de la santé.

Une des autres caractéristiques de la kinésithérapie est la maîtrise des questions liées au mouvement. Dans une société caractérisée par une sédentarité excessive qui se traduit par une obésité croissante auprès des jeunes, par l’émergence et l’inflation des pathologies dorsales et lombaires auprès des adultes et par les enjeux des pathologies cardio-vasculaires – qui restent la première cause de mortalité- , la question du mouvement est devenue une réelle question de société (et je n’évoque même pas ici les questions de mobilité à propos desquelles le déplacement à pied ou à vélo représenterait des solutions plus que pertinentes).

« Bouger vous, cela fait un bien fou » titrait un slogan publicitaire. Oui mais pas n’importe comment. Les activités sportives ont besoin d’être encadrées par des professionnels qui connaissent la mécanique du corps et qui peuvent, à titre d’exemple, prodiguer des conseils utiles pour certains exercices. Je pense ici aux abdominaux qui peuvent, s’ils sont mal exécutés, engendrer des désordres vertébraux.

Enfin, toujours dans le cadre de la prévention primaire, une autre caractéristique de la kinésithérapie est celle de la relation au corps et plus particulièrement tout ce qui relève de la prise de conscience du corps. Apprendre aux personnes et a fortiori a celles qui sont devenues patients à sentir leur corps, être à leur écoute, comprendre ses limites mais aussi ses possibilités fait partie du travail du kinésithérapeute. Ceci constitue les bases fondamentales de la prévention.

Ce n’est pas sans raison que dans les pays scandinaves des kinésithérapeutes sont rattachés aux écoles. L’apprentissage du corps est conçu dès le plus jeune âge avec l’aide de professionnels. Chez nous on pourrait à cet égard réfléchir aux relations à tisser entre kinésithérapeutes et professeurs d’éducation physique et pas seulement dans le cadre du développement de la psychomotricité.

Au-delà du rôle que le kiné peut jouer dans le cadre de la prévention primaire, je voudrais évoquer également l’approche réellement alternative de la kinésithérapie dans la prévention secondaire, voire tertiaire. C’est particulièrement vrai dans le cadre du traitement de l’arthrose et des lombalgies. A cet égard la semaine de la douleur, qui se tiendra du 22 au 25 octobre, mettra largement l’accent sur les prises en charge actives et non pharmacologiques des lombalgies. Concrètement, au cours de cette semaine, l’attention sera attirée, pour les patients alités et en phase de convalescence sur la nécessité de se mobiliser et de bouger le plus tôt possible. Ici le mouvement est largement privilégié dans la lutte contre la douleur. C’est ce message que viendra délivrer le Professeur Henrotin (Ulg) lors d’une audition au Sénat le 23 octobre prochain.

Madame la Ministre, je n’ignore pas que les actes de la kinésithérapie relèvent de l’INAMI et donc du niveau fédéral. Je me réjouis d’ailleurs d’apprendre que de nouvelles compétences particulières seront dévolues dans le cadre de la kinésithérapie du sport, de la rééducation pelvienne, de la thérapie manuelle, de la cardio-vasculaire et de la kinésithérapie respiratoire. Mais n’y a-t-il pas un espace pour reconnaître le ou la kinésithérapeute comme acteur de prévention et de promotion de la santé ? Des collaborations existent-elles avec ces professionnels, comme il en existe avec les médecins, en matière de prévention et de promotion de la santé ? Si oui, comment s’organisent-elles ? Si non, seraient-elles envisageables ? Enfin il serait très intéressant d’étudier le retour sur investissement que représente la kinésithérapie dans l’économie de la santé. Rien de tel que de pouvoir disposer de chiffres pour défendre une approche de ce type. Je n’ignore pas que l’approche que je défends se situe entre les compétences communautaires et les compétences fédérales, mais le propre de la promotion de la santé n’est-il pas d’oser jeter des ponts ?

Je vous remercie. André du Bus

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