Discussion avec Madame Céline Fremault, Ministre en charge de la politique d'aide aux personnes handicapées
André du Bus. - Nous avons eu récemment, en Commission des affaires sociales, de nombreux débats à l'occasion de l'étude sur la grande dépendance menée par l'Observatoire de l'accueil et de l'accompagnement des personnes handicapées. Toutefois, vu les contacts que j'ai eus avec les associations, je pense que la question de la transversalité des politiques menées pour assurer un continuum de prise en charge entre les différents services financés par la Cocof à l'égard d'une personne handicap reste pertinente.
Nous savons tous que la Cocof propose de nombreux services à l'égard des personnes en situation de handicap, qu'elle subventionne et agrée un grand nombre de structures ayant des rôles distincts et souvent complémentaires - les services d'accueil de jour, d'hébergement, les entreprises de travail adapté (ETA), etc.
Madame la ministre, vous soutenez cette transversalité puisque vous exposez régulièrement votre souhait de "ruser" entre vos différentes compétences pour promouvoir l'inclusion des personnes handicapées, par exemple les compétences du logement et de l'aide aux personnes handicapées. Bien que les offres de services d'accueil, d'accompagnement et d'hébergement répondent le mieux possible aux besoins de ces usagers, force est de constater qu'un décloisonnement et une coordination optimale ne sont pas simples à mettre en place.
L'accord de majorité démontre toutefois son attention pour cette transversalité, puisque le Collège, je cite, amplifiera l'organisation de passerelles entre l'Agence wallonne pour l'intégration des personnes handicapées (Awiph), le service Personne handicapée autonomie recherchée (Phare), l'enseignement spécialisé et ordinaire et l'Office de la naissance et de l'enfance (ONE).
Quelles sont les démarches principales de la Cocof pour développer des synergies entre services accueillant simultanément les mêmes personnes en situation de handicap, et garantir aux personnes handicapées et aux services qui les encadrent une prise en charge globale, cohérente et harmonieuse ?
En quoi le service Phare, qui apporte information, orientation et interventions financières aux personnes handicapées en Région bruxelloise, a-t-il un rôle à jouer dans cette optique de décloisonnement des différentes offres de services ?
Quels projets sont déployés pour informer au mieux les associations et structures d'accueil et d'hébergement sur les moyens mis à leur disposition pour mieux appréhender le quotidien des personnes en situation de handicap dans leur globalité ? Le projet de guichet unique d'information pourra-t-il également avoir pour vocation le renfort de la communication entre services ?
L'intérêt premier de cette démarche est de permettre à la personne en situation de handicap d'être l'acteur principal de son parcours. Ceci contribue à renforcer sa participation dans toutes les dimensions de la vie sociale et quotidienne, pour une société que nous voulons tous plus inclusive.
(Applaudissements sur les bancs de la majorité)
[...]
Mme Céline Fremault, ministre.- Je vous remercie pour votre interpellation, M. du Bus de Warnaffe. Comme vous le mentionnez, j'essaie d'encourager au maximum la transversalité de la politique du handicap auprès de mes collègues. Il est bien évidemment essentiel de favoriser également les synergies au niveau des services.
Je constate d'ailleurs, au fil des rencontres avec les associations, les centres de jour et d'hébergement, les entreprises de travail adapté ou encore les services d'accompagnement, l'importance de renforcer la coordination entre les structures qui accueillent et aident les personnes en situation de handicap et leurs familles. Dans la mesure où je suis également en charge de l'action sociale et du logement à d'autres niveaux de pouvoir, l'expression "ruser avec nos compétences" prend également tout son sens dans ce débat.
L'accord de majorité nous invite effectivement à amplifier l'organisation de passerelles entre l'Awiph, Phare, l'enseignement spécialisé et ordinaire et l'ONE. Je partage votre constat quant à la nécessité de promouvoir les collaborations entre les structures qui accueillent simultanément une même personne en situation de handicap.
Plusieurs pratiques sont d'ailleurs déjà en vigueur ou ont été récemment mises en place. Au niveau des projets d'inclusion des enfants en situation de handicap dans les milieux d'accueil de la petite enfance, le projet Organisation et coordination de l’aide précoce pour l’inclusion (Ocapi) est le résultat d'une collaboration fructueuse entre l'ONE et le service Phare. Plusieurs services d'accompagnement mettent ainsi à disposition une équipe itinérante en soutien aux crèches.
L'impact de ce travail de collaboration a été considéré comme extrêmement positif. J'ai donc décidé de poursuivre le projet pilote initié.
Pour l'enseignement, une table ronde a été organisée par la ministre, Mme Milquet, le 25 février, et a rassemblé le réseau scolaire, les associations de parents, les centres de référence autistique, le Service universitaire spécialisé pour personnes avec autisme (SUSA), les représentants des directions d'école et les représentants des cabinets.
Toute une série de sujets ont été abordés : l'augmentation des demandes d'inscription en enseignement spécialisé, la non-scolarisation de certains enfants, la formation des enseignants ou encore le manque de places en centre de jour. Les collaborations commencent à se mettre en place afin de dégager des pistes de réflexion et d'action concrète pour répondre à ces difficultés et à ces passerelles dans ce secteur en particulier.
Concernant la jeunesse et l'adolescence, une initiative intéressante du service Personne handicapée autonomie recherchée (Phare) et de l'Aide à la jeunesse a rassemblé, le 20 janvier dernier, un bon nombre de services d'accompagnement issus des deux secteurs.
Cette rencontre dénommée "D'une rive à l'autre" avait pour objectifs de faire connaissance, d'échanger les bonnes pratiques et d'initier un travail en réseau. Il s'agit d'une rencontre constructive entre deux secteurs proches qui doivent à l'avenir amplifier leurs collaborations. Nous savons à quel point nous devons porter une attention spécifique à la transition des 16-25 ans, comme vous le dites, Mme Persoons, puisqu'il s'agit d'un passage d'un système protecteur, comme l'est l'école, à un autre système qui n'offre d'ailleurs pas toujours de solutions, nous laissant par moments dans le vide.
Le service Phare est un acteur évidemment primordial puisqu'il oriente, informe et encourage les services à se connaître, à partager leurs informations et à collaborer.
Dans cette perspective, j'encourage, notamment, le Conseil consultatif et les différents groupes de travail issus de celui-ci puisqu'ils sont de véritables lieux de réflexion, d'échanges et de participation. Le rôle des différentes structures d'accueil qui s'emploient déjà bien souvent à créer des synergies entre elles, est essentiel.
Je tiens d'ailleurs à souligner le travail remarquable de plusieurs associations, comme "Vivre et Grandir Saint-Raphaël" qui offre à des jeunes adolescents une formation individualisée, un accompagnement à l'autonomie personnelle et sociale et favorise ainsi la participation à des activités utiles et valorisantes. Cette association entretient des contacts permanents et des collaborations soutenues avec des écoles, des centres de jours et d'hébergement ou encore des ETA afin d'apporter un soutien et un encadrement spécifique à chaque personne en fonction de ses besoins, de ses envies et de ses spécificités. II s'agit d'un bel exemple de bonnes pratiques.
Depuis huit mois, une de nos préoccupations a toujours été de créer du lien entre les différents services. L'interface grande dépendance a cette préoccupation constante d'aller bien au-delà des frontières. Elle est en contact permanent ! Pensons à notre rencontre avec Mme De Block afin de répondre à la demande d'un an de cadastre et de déterminer quelles étaient les synergies entre les Régions flamande et wallonne face à des cas urgents. Cela démontre en tout cas que la réflexion dépasse les dix-neuf communes.
Dans la perspective de favoriser ce partage d'informations et ces synergies, j'ai décidé, en concertation avec le service Phare, de soutenir un nouveau projet qui a pour objectif d'établir ce travail en réseau. Il s'agit d'une initiative portée par Bataclan, une association déjà agréée en tant que service d'accompagnement au service Phare. Cela a pour avantage de faire émerger les réels besoins auxquels sont confrontés les services pour apporter des réponses concrètes à leurs difficultés rencontrées. Je ne vais pas m'étendre sur les activités spécifiques qui seront menées puisque la finalisation du dossier est en cours. Mais je peux déjà vous dire que, pour commencer, ce travail s'effectuera sur deux années. II reviendra ensuite au service Phare, en collaboration avec mon cabinet, d'évaluer l'impact du projet sur le terrain afin de poursuivre et d'amplifier ce travail de mise en réseau.
L'espace-accueil du service Phare constitue vraiment l'embryon de ce guichet unique. Il y a une permanence téléphonique tous les matins et le service répond aux demandes d'informations par courriel. Pour ce qui est de l'accueil individualisé sur place, il se fait le matin, quatre jours par semaine, à la rue des Palais. La prochaine étape constituera en l'aménagement des bureaux pour mieux accueillir les personnes demandeuses. Devra être également atteinte une certaine rapidité de traitement via la simplification des procédures et la rédaction des nouveaux arrêtés inclusion.
Je terminerai par insister sur la valeur ajoutée d'une telle approche de "travail en réseau" qui favorise et renforce la participation de la personne en situation de handicap dans tous les aspects de la vie sociale et quotidienne. La mise en place d'un travail en réseau des services est un travail continu, perpétuel et qui doit être sans cesse soutenu, évalué et stimulé. L'objectif est d'obtenir dans quelques années l'architecture et les connexions les plus larges possible, non seulement entre les services eux-mêmes, mais aussi bien au-delà de nos dix-neuf communes.
(Applaudissements sur les bancs de la majorité)
Mme la présidente.- La parole est à M. du Bus de Warnaffe.
M. André du Bus.- Merci, Mme la ministre, pour votre réponse, qui démontre à tout le moins que la transversalité est en marche, de manière significative et avec de bonnes pratiques à l'appui. C'est encourageant et porteur d'espoir, tant pour les associations que pour les personnes en situation de handicap.
J'adresse à présent une réflexion à mes collègues parlementaires, membres de la Commission des affaires sociales. Ne devrions-nous pas faire le point, avec le Conseil consultatif de la personne handicapée, sur cette notion de transversalité ? Nous pourrions nous prêter à l'exercice, une ou deux fois au cours de la présente législature, en cherchant à préciser l'état d'avancement du dossier et à identifier tant les difficultés que les progrès réalisés. Si la valeur ajoutée ne fait guère de doute à nos yeux, comment se matérialise-t-elle au quotidien ? Un tel état des lieux serait, me semble-t-il, un travail parlementaire utile.
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