Dégâts occasionnés par la succession des tempêtes

Publié par andredubus le
Discussion avec Madame Evelyne Huytebroeck, Ministre chargée de l'environnement, de l'énergie et de la politique de l'eau

Il arrive très régulièrement (ce ne fut heureusement pas le cas pour la tempête du 10 mars) que la Forêt de Soignes (gérée par Bruxelles Environnement) soit fermée pour cause de grands vents, et que le Bois de la Cambre (géré par la Ville de Bruxelles) reste ouvert. De plus, seule la partie uccloise de la Forêt de Soignes (avenue de Lorraine, Drève Saint-Hubert) est fermée, contrairement à la chaussée de la Hulpe, à la chaussée et à l'avenue de Tervueren qui la traversent.

Il apparaît que les mêmes normes que celles appliquées en Forêt de Soignes prévalent pour les parcs gérés par Bruxelles Environnement. Par contre, pour les parcs communaux (le parc Josaphat à Schaerbeek, par exemple), les règles sont autres.

Le citoyen a du mal à comprendre la pertinence de ces différences.

Bien que la météo puisse varier d'un endroit à l'autre de la Région, il n'est néanmoins pas possible de présager de ces différences lorsqu'une tempête est annoncée. Comme pour la politique du stationnement sur le territoire régional, je plaide pour une logique cohérente de fermeture des espaces verts de la Région de Bruxelles-Capitale.

A mon sens, il convient de développer, d'une part des règles claires avec, notamment, des critères précis, en déterminant par exemple un seuil de vitesse du vent, pour imposer la fermeture des espaces verts, et, d'autre part, d'assurer une coordination maximale entre les différents intervenants. Nous pourrions évoluer vers une centrale de décision unique qui donnerait le signal aux services gestionnaires et aux polices communales de fermer tous les parcs de la Région et la Forêt de Soignes.

Concernant cette dernière plus spécifiquement, il convient de tenir compte des axes routiers qui la traversent et qui représentent les principaux accès à la capitale pour les navetteurs venant du sud du pays. Dans ce cas précis, il s'agit d'un problème de mobilité, qui n'est pas sans incidence économique pour les entreprises. Il importe de proposer, pour la fermeture de ces routes, un juste équilibre entre sécurité publique et mobilité.

Enfin, il conviendrait de débattre de l'information fournie au public à propos de ces fermetures. Il me semble essentiel que cette information soit convenablement diffusée vers l'ensemble du public pour permettre aux navetteurs de prendre des moyens alternatifs à la voiture pour se rendre sur leur lieu de travail.

Cette communication vers les médias ne devrait-elle pas être également coordonnée par ou en concertation avec l'organe de décision unique que je souhaite voir se créer ?

[...]

Mme la présidente.- La parole est à Mme Huytebroeck.

Mme Evelyne Huytebroeck, ministre.- Je vais profiter de ces questions pour exposer la manière dont les décisions sont prises et quelle organisation est déclenchée à ces moments-là. En effet, ce type d'intervention requiert une mobilisation importante de moyens humains.

Tout d'abord, je me permettrai de faire l'état du dispositif tel qu'il fonctionne actuellement. Voici les institutions qui sont impliquées dès qu'on se trouve face à ce genre d'événements :

  • les communes, au titre de gestionnaires d'espaces verts et de voiries ;
  • les zones de polices, au titre de leurs responsabilités relatives à la sécurité dans les lieux publics et à la police de la circulation ;
  • la Région, au titre de gestionnaire de la voirie régionale et des espaces verts régionaux.

Les services de Bruxelles Environnement interviennent directement dans deux cas de figure: d'une part, lorsque les espaces verts régionaux, soit les parcs régionaux et la Forêt de Soignes, sont touchés, d'autre part, lorsque les voiries publiques attenantes à la Forêt de Soignes le sont.

En ce qui concerne la fréquentation des promeneurs dans les parcs régionaux et dans la Forêt de Soignes, la règle appliquée par mes services consiste à fermer les espaces qui peuvent l'être dès que les prévisions météorologiques de l'IRM (Institut Royal Météorologique) annoncent des vents ou des rafales d'une vitesse supérieure à 80 km/h.

A cette fin, Bruxelles Environnement se renseigne quotidiennement auprès de l'IRM, soit par le biais du site internet, soit par le biais du numéro de téléphone prévu à cet effet, qui diffuse 24h/24 les prévisions. Un service de système d'alerte active est également assuré par l'IRM en application d'une convention entre Bruxelles Environnement et l'IRM. Dernièrement, ce système a été amélioré et deux types d'informations sont donnés par l'IRM : une information de mise en garde donnée à cinq jours, qui permet une vigilance accrue, et l'information donnée à 48h ou à 24h sur des prévisions plus précises et plus certaines. En effet, la question cruciale est ici la fiabilité de la prévision sur une période d'environ 48 heures. Il est important de pouvoir prendre toutes les dispositions utiles et de prévenir les utilisateurs le plus tôt possible. Ce sont les périodes de week-end ou de jour férié qui sont les plus délicates.

Pour répondre à la demande de bilan de M. El Karouni, 80 arbres sont tombés dans le parc de Woluwé et un arbre est tombé en travers de la chaussée de la Hulpe, qui n'avait pas été fermée vu que les vents prévus ne rencontraient pas les critères que je vais développer plus loin. Ceci illustre le fait que, malgré le suivi scrupuleux et à longueur d'année de l'état des arbres, les prévisions météorologiques de plus en plus fiables, les procédures établies et suivies avec soin et l'utilisation de moyens de communication modernes, nous avons affaire à des phénomènes naturels qui conservent une part d'imprévisibilité.

Comme pour les fortes pluies, le risque zéro n'existe pas.

En cas d'annonce de vents dépassant les 80km/h, Bruxelles Environnement :

  • diffuse un communiqué de presse à l'agence Belga et aux principaux média qui répercutent correctement et rapidement l'information ;
  • ferme les parcs et espaces verts régionaux ;
  • conseille de ne pas se promener dans les espaces verts en général, qu'ils soient régionaux ou communaux.

II y a donc un avis général de prudence, mais les communes prennent de leur côté les mesures qu'elles jugent utiles quant à la fréquentation des parcs dont elles ont la gestion.

A la suite de la demande de certaines communes, je me propose de vérifier auprès de celles-ci quels seraient leurs besoins pour la gestion de ce type de risque et d'examiner dans quelle mesure on pourrait organiser un système d'information d'urgence encore mieux coordonné. A tout le moins, il me semble indispensable d'avoir une coordination et un débat de principe avec les gestionnaires communaux des espaces verts afin de disposer de la même information, voire de diffuser la même information si tant est que les communes diffusent effectivement des avis au niveau régional via les média, ce qui pour l'instant n'est pas le cas.

Ceci dit, la responsabilité civile du gestionnaire de l'espace demeure. Ce serait à la commune concernée, ou à la Région pour ses propres espaces, à supporter les conséquences, s'il s'avère qu'une faute dans l'entretien ou l'élagage des arbres a causé un dégât. La décision de fermer un espace reste aussi la prérogative et la charge du même gestionnaire. Nous conseillerions que la réaction soit la même, au même moment, dans les espaces régionaux ou dans les espaces communaux. Jusqu'à présent, cela ne se faisait pas.

En ce qui concerne les parcs et espaces verts dont la Région a la charge, je ne me départirai pas de l'attitude prudente consistant à être très attentif dès que l'on atteint des vents de 70 km/h, de fermer quand on dépasse les 80km/ h et de ne rouvrir qu'après contrôle sur place. Il appartient aux communes de choisir, en fonction de leur propres impératifs, de s'aligner, ou non, sur cette position.

Je ne peux pas le leur imposer, mais je pense que ce serait plus logique. Par après, on peut toujours nous dire qu'on a fermé les parcs en fonction des prévisions, mais qu'il ne s'est rien passé et que cela a provoqué des embouteillages. C'est ce qui nous a été reproché au mois de mars. S'il y avait eu un accident, on nous l'aurait reproché bien davantage.

Je préfère affronter des automobilistes mécontents plutôt qu'un drame humain.

En ce qui concerne les voiries publiques attenantes à la forêt de Soignes, une série d'entre elles sont, ou étaient auparavant, gérées par les services forestiers, donc par Bruxelles Environnement. Il s'agit de la drève de Lorraine, de la drève Saint-Hubert, de la drève du Haras, de la drève du Caporal et de l'avenue des Chalets, à laquelle s'ajoute l'avenue Dubois, qui est située en Région flamande.

Pour toutes ces voiries, excepté l'avenue Dubois, la règle est la suivante : lorsque les prévisions annoncent des vents ou des rafales d'une vitesse supérieure à 100km/h, nous mettons en oeuvre une procédure, convenue avec les zones de police concernées et la Région flamande, pour la fermeture des voiries attenantes à la foret de Soignes et nous diffusons un communiqué de presse à l'agence Belga et aux principaux média, comme je l'ai expliqué.

Le choix d'un seuil inférieur pour la fermeture des parcs se justifie par le fait que des vents de 80km/h peuvent causer la chute de branches qui peut être dangereuse pour le promeneur.

En raison du risque encouru et des exigences de maintien de circulation automobile, les arbres bordant les voiries sont soumis à des contrôles et des élagages plus stricts. Tout comme pour la fermeture, une procédure est prévue pour la réouverture des voiries, qui ne peut se faire qu'après avoir contrôlé l'état de la route, procédé aux évacuations de troncs ou de branches éventuels, au contrôle de l'état des arbres, et parfois à des abattages en urgence d'arbres qui ont été déstabilisés par la tempête.

Les 10, 11 et 12 mars, on s'est trouvé dans ce cas de figure. Heureusement, aucun arbre n'est tombé de lui-même ; par contre, il a fallu abattre en urgence un très grand hêtre au croisement de la drève Saint-Hubert et de la drève de Lorraine avant de rouvrir la voirie.

Une procédure est également prévue pour l'échange de l'information, la concertation et, le cas échéant, la fermeture de l'avenue de Tervueren, de la chaussée de Tervueren, de la drève de la Demi-Heure, de la chaussée de la Hulpe, et enfin du ring Ouest.

Pour ces voiries, Bruxelles Environnement informe les autorités compétentes. En cas de situation exceptionnelle, soumise à l'appréciation des responsables gestionnaires de la voirie sur le terrain, ou lors de prévisions annonçant des vents encore plus importants, ces gestionnaires décident de procéder à la fermeture de ces voiries.

Concernant les seuils de vitesse de vent de 80km/h et 100km/h, il arrive que des phénomènes de vents tournants localisés soient ravageurs, alors que les vitesses annoncées sont inférieures aux seuils critiques. Il se peut aussi que la conjugaison de différents facteurs météorologiques (fortes pluies suivies de grands vents, chutes de neige alors que les arbres ont encore leur feuilles) favorisent l'apparition d'incidents inattendus, et nécessitent l'application de mesures de sécurité alors que les seuils ne sont pas atteints. Ainsi la tornade du mois de mars dernier a provoqué la chute d'un gros arbre et le déracinement d'un bouquet d'arbres au parc de Woluwé, et la tempête du 18 janvier 2007 a provoqué des dégâts considérables. En prévision de vents d'une vitesse de 120 km/h, la procédure tempête avait été déclenchée, ainsi que la fermeture de certaines voiries, ce qui a effectivement bloqué la circulation au sud de Bruxelles. Le bilan établi le lendemain par les services forestiers des trois Régions faisait état de plus de 1200 arbres épars, principalement des hêtres de dimension importante, alors que la vitesse des vents enregistrée à l'Observatoire de Uccle n'avait pas atteint 105 km/h, bien moins que ce qui avait été prévu. Ceci nous enjoint à faire preuve de la plus grande prudence.

Par ailleurs, vu que la voirie dans le Bois de la Cambre est communale, en prévision de vents de plus de 100 km/h, il est prévu que Bruxelles Environnement contacte la zone de police de Bruxelles afin d'établir une coordination sur le terrain. Toutefois, à l'époque, la Ville de Bruxelles n'avait pas formellement souscrit au protocole administratif définissant la procédure de collaboration des services. J'aborderai prochainement la question d'une coordination formelle de la procédure, auprès de la Ville de Bruxelles, tout en maintenant la responsabilité de la fermeture et de la réouverture dans le chef de la Ville.

En tout état de cause, et en guise de conclusion, je tiens à insister sur le fait :

  • qu'aucune autorité qu'elle soit policière ou régionale, ne procède à la légère à la fermeture d'une voirie ou d'espaces verts;
  • que le public est informé rapidement d'une telle décision par le biais des médias, et principalement par la radio;
  • que la fermeture des voiries entraîne immanquablement des désagréments pour les automobilistes, parmi lesquels certains seront toujours surpris malgré la grande diffusion de l'information, mais que celle-ci est justifiée afin de préserver la sécurité et de prévenir les accidents mortels. Un embarras provisoire de la circulation pour cette cause est par conséquent tolérable;
  • que je souhaite la tenue d'un débat entre les gestionnaires de terrain afin d'apporter d'éventuelles améliorations au système actuel qui a pourtant fait ses preuves.

Mme la présidente.- La parole est à M. du Bus de Warnaffe.

M. André du Bus de Warnaffe.- Merci, Mme la ministre, pour cette longue réponse, qui nous permet de comprendre à la fois la façon dont les décisions sont prises, la complexité et la diversit é des situations suivant le type de voirie, le type de parc et le type d'utilisateur, piéton ou automobiliste. Il est vrai que les risques diffèrent selon les situations.

Si je comprends bien, le débat évolue entre trois pôles : le pôle de décision, celui de la responsabilité et celui de l'information. Dans ma question, il s'agissait de favoriser une plus grande clarté, transparence et efficience de l'information délivrée au public. On entend en effet que tel parc ou telle voirie est ouvert et tel autre fermé, et le public ne comprend pas toujours la pertinence de ces décisions.

Dans votre réponse, vous avez expliqué qu'il existait une association bruxelloise de gestionnaires des plantations. Pourriez-vous me dire de quelle façon cette association fonctionne précisément ? Quels en sont les acteurs ? Vous avez également dit que vous alliez prendre contact avec nos collègues communaux bruxellois, afin de renforcer la coordination. C'est une excellente chose, puisque c'est notamment la coordination avec la commune de Bruxelles-Ville, gestionnaire de certains parcs, qu'il faut largement améliorer.

[...]

M. André du Bus.- Donc, si je comprends bien, nous n'évoluons pas vers un organe de décision unique, mais plutôt vers une coordination plus franche entre la Région et les communes.

Mme Evelyne Huytebroeck, ministre.- A moins qu'on ne régionalise tous les parcs et espaces verts de Bruxelles, je ne vois pas comment je pourrais imposer une décision aux communes. L'autonomie communale, cela existe, on nous le répète assez souvent ! Je souhaite vraiment que les mêmes mesures soient prises par la Région et les communes sur la base des mêmes critères. Mais je ne peux pas le leur imposer. N'oublions pas que les responsabilités incombent aux différents propriétaires.

Chacun doit assumer ses responsabilités au niveau de l'entretien du parc ou de ce qui pourrait se passer après la tempête.