Le syndrome de la Forêt de Soignes

Publié par andredubus le

A la veille de la régionalisation de nouvelles compétences, un cas parmi d’autres à éviter, le syndrome de la forêt de Soignes : limites régionales, limites de la régionalisation, limites de l’entendement ?

La drève de la Meute serpente entre hêtres et buissons de haute et de basse futaie.  En cette période automnale les rayons du soleil s’y glissent furtivement, dardant de leurs éclats dorés les florilèges de champignons qui ont germé au gré des percées de la hêtraie cathédrale. Au plus grand bonheur des promeneurs avertis.

Avertis ? Non seulement des risques liés à l’aventure d’une cueillette vénéneuse, mais avertis des règles, décrets ou ordonnances qui régissent la cueillette.

D’un côté de la drève, c’est la Région wallonne, de l’autre, la flamande et, quelques centaines de mètres au-delà, la région de Bruxelles Capitale. D’un côté il est permis d’y cueillir les champignons, de l’autre la cueillette est interdite. Les amendes existent et sont appliquées ! Ubuesque ? Fantasque ? Farfelu ?

Oui et non ! Oui, bien sûr, car la situation n’a pas de sens. Non, car elle illustre les effets (temporaires ?) de la régionalisation de la compétence des forêts.

Auditionnés en commission d’environnement du parlement bruxellois le mardi 15 novembre dernier, les ingénieurs responsables des services "eaux et forêts" des Régions flamande et wallonne ont exposé leurs plans de gestion respectifs. Car, non - Mesdames, Messieurs -, il n’existe pas de plan de gestion commun pour la forêt de Soignes. Les frontières régionales sont passées par le bois ! 60 % de la surface forestière relèvent de la Région flamande, 6 % de la Région wallonne et 34 % de Bruxelles Capitale.

A chaque région donc de définir son plan de gestion. Et chaque région d’avoir déjà défini son plan d’occupation : chiens en laisse ou non, bicyclette ou non, cueillette ou non.

Aujourd’hui, l’enjeu est de définir une vision commune de la forêt. Une forêt qui, par sa hêtraie cathédrale, est unique au monde.

Conscients de cette valeur patrimoniale les parlements bruxellois et flamands ont voté à l’unanimité des motions visant à faire reconnaître la forêt de Soignes sur la liste du patrimoine mondial de l’humanité (Unesco).

Une des conditions d’éligibilité porte sur la définition d’un plan de gestion commun. Ce qui amène les parlementaires à auditionner les uns et les autres, en ce compris la Commission royale des monuments et des sites.

Et d’apprendre à cette occasion que, non, il n’existe aucun espace de coordination officiel entre les administrations des trois régions, que les seuls contacts entre gestionnaires sont de nature informelle, qu’il n’existe pas non plus d’espace formel de rencontre entre les trois Commissions royales des monuments et des sites (régionalisées également).

Il paraît qu’un projet d’accord portant sur une structure de concertation entre les trois régions est sur une table ministérielle. On s’en réjouit. Mais à la veille d’importants mouvements de transferts de nouvelles compétences du fédéral vers les régions, que l’on prenne garde à bien mettre sur pied les structures de coordination, concertation et coopération idoines.

Tout ne sera pas éligible au patrimoine mondial de l’humanité pour mettre en évidence les situations ubuesques jamais voulues, évidemment !