Question à Madame Bianca Debaets, secrétaire d'état à la Région de Bruxelles-Capitale
M. André du Bus.- La presse a récemment relayé une des conclusions du commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, M. Nils Muižnieks. Cette conclusion disait que la Belgique devait faire nettement plus et mieux en matière d'intégration de la personne handicapée.
Le commissaire et sa délégation se sont rendus en Belgique du 14 au 18 septembre 2015. Cette visite a été, entre autres, axée sur la situation des droits des personnes handicapées.
Il est vrai que ce rapport souligne certains efforts et bonnes pratiques que la Belgique a mis en place. Par exemple, il prend note avec satisfaction de l'entrée en vigueur, en juin 2014, d'une loi réformant le régime de capacité juridique des personnes présentant des déficiences psychosociales ou intellectuelles. Le commissaire salue encore les bonnes pratiques déjà existantes, visant à promouvoir la désinstitutionnalisation des personnes handicapées et leur inclusion dans la société.
Cependant, le rapport souligne également que la Belgique doit redoubler d'efforts pour garantir le droit des personnes handicapées à l'autonomie de vie et à l'inclusion dans la société. À ce sujet, le commissaire dénonce le taux encore trop élevé d'institutionnalisation des personnes avec handicap, combiné à une offre de services de proximité limitée, ainsi que les difficultés pour ces personnes de mener une vie autonome.
Le manque de logements abordables et accessibles aux personnes handicapées est également évoqué dans le rapport. Curieusement, le seul exemple bruxellois positif à cet égard, repris par le commissaire, relève d'une initiative portée à Bruxelles par l'Agence flamande pour la personne handicapée. Nous savons pourtant que de plusieurs autres initiatives intéressantes sont à mettre à l'actif de votre gouvernement.
Une autre source de difficultés serait le nombre particulièrement limité de budgets d'assistance personnelle (BAP).
De manière générale, le rapport insiste principalement sur l'inclusion des personnes handicapées dans la société. C'est pourquoi je voulais m'adresser au ministre-président. Je me rends compte que j'ai des difficultés à faire passer l'idée selon laquelle certaines matières transversales nécessitent une réponse du ministre-président. C'est d'autant plus le cas lorsque cette carence de transversalité est pointée dans les rapports européens en la matière.
L'inclusion des personnes handicapées ne passe pas uniquement par les politiques relatives au handicap, mais également par les politiques de mobilité, de logement ou d'emploi. Par exemple, en matière de mobilité, seule la moitié des stations de métro à Bruxelles sont équipées d'un ascenseur. Parfois, dans certaines stations de métro, aucun escalator ne descend vers les voies, ou encore, les trams ne disposent pas de rampes pour les personnes à mobilité réduite.
Nous saluons déjà la signature de la charte handistreaming, en décembre dernier, par la Région de Bruxelles-Capitale et les Commissions communautaires commune et française. Le handistreaming se définit comme la prise en compte de la dimension du handicap dans toutes les politiques des pouvoirs publics bruxellois.
Nous nous réjouissons de cette volonté du gouvernement de renforcer la transversalité de la prise en compte des personnes handicapées dans toutes les politiques bruxelloises. Toutefois, il est curieux de constater que le rapport pointe "l'absence d'approche coordonnée et transparente des autorités à différents niveaux de pouvoir qui rend difficile, pour des personnes handicapées, de s'informer sur les moyens de vivre dans la société".
Ainsi, au-delà de la signature de la charte handistreaming, pouvez-vous nous expliquer comment vous allez décliner cette transversalité d'un point de vue opérationnel et organisationnel ? Comment cette transversalité sera-t-elle coordonnée dans les matières régionales ?
Les accents de transversalité que je souligne ne vous visent pas personnellement, car vous répondez à une logique organisationnelle. Mais je regrette que l’organisation de nos travaux ne permette pas une meilleure prise en compte de cette notion de transversalité.
M. le président.- Dans la jurisprudence du fonctionnement d'un gouvernement, un ministre peut être chargé par ce dernier de fournir des réponses qui assurent aussi cette transversalité.
Cela suppose évidemment une concertation avec l'ensemble des ministres quand il s'agit d'évoquer une problématique.
Ainsi, Mme Debaets pourrait très bien assurer ce travail de transversalité si le gouvernement décidait de lui fournir les informations permettant cette lecture transversale.
Ce n'est donc pas nécessairement au ministre-président qu'incombe la responsabilité d'incarner cette transversalité.
La parole est à Mme Debaets.
Mme Bianca Debaets, secrétaire d'État.- Nous travaillons de façon transversale, préventive et systématique, comme je vais tâcher de vous l'expliquer.
Ainsi, la charte handistreaming, signée le 3 décembre dernier, respecte les engagements pris en juillet 2015 par le gouvernement régional à l'occasion de l'adoption d'un Handiplan. Celui-ci vise à favoriser la mise en place, sous cette législature, d'une politique de handistreaming en Région de Bruxelles-Capitale.
Le concept de handistreaming se définit comme la prise en considération de la dimension du handicap, de la protection, mais aussi de la promotion des droits de l'homme et, spécifiquement, des personnes en situation de handicap, dans toutes les politiques liées aux pouvoirs publics.
C'est pourquoi, en tant que secrétaire d'État en charge de l'Égalité des chances, j'ai souhaité mettre en œuvre une ordonnance portant ce principe de handistreaming dans toutes les compétences du gouvernement bruxellois. Cette ordonnance a été approuvée en première lecture le 3 décembre par le gouvernement, en même temps que la charte. Pour rappel, le handistreaming repose véritablement sur une approche préventive, transversale et systématique.
Cela implique qu'en début de législature, chaque ministre et chaque secrétaire d'État se devra d'intégrer le principe du handistreaming dans l'élaboration des politiques dont il a la charge. Cela ne concernera donc pas uniquement le ministre compétent en matière d'Égalité des chances. Les ministres et secrétaires d'État devront ainsi veiller à préciser les objectifs stratégiques à atteindre pendant la législature, ainsi que les moyens qui seront mis en œuvre pour ce faire.
À mi-législature, un rapport intermédiaire sera présenté au parlement. Il fera état des difficultés rencontrées et exposera les propositions faites pour remédier à ces difficultés. En fin de législature, un rapport final sera également présenté au parlement, faisant état de la comparaison entre la situation en début et en fin de législature. Celle-ci permettra de circonscrire l'avancement du gouvernement.
Soulignons que le projet d'ordonnance prévoit que tout projet d'acte législatif ou réglementaire sera évalué au regard d'un principe de handistreaming. Si un impact négatif est constaté, une note devra être adressée au gouvernement, mentionnant les incidents et les moyens d'y remédier.
J'en viens à la coordination. L'administration, plus particulièrement la Direction régionale de l'égalité des chances, a été désignée comme point de référence pour la Convention relative aux droits des personnes handicapées de l'Organisation des Nations unies. Elle est chargée, pour les compétences régionales, de l'application des principes de ladite convention, ainsi que de la mise en œuvre des recommandations émises en 2014 par le comité d'experts lors d'échanges constructifs faisant suite à l'examen du premier rapport périodique remis par la Belgique.
Au titre de secrétaire d'État, je veillerai à ce que le handistreaming soit appliqué par mes homologues.
Le Handiplan tel qu'approuvé prévoit en outre que chaque cabinet de ministre ou secrétaire d'État désigne en son nom une personne de référence. Celle-ci devra veiller à ce que le handistreaming soit appliqué tout au long des processus d'élaboration, de mise en œuvre et d'évaluation de la politique en vigueur.
M. le président.- La parole est à M. du Bus de Warnaffe.
M. André du Bus.- J'apprends qu'il existe un projet d'ordonnance. Avez-vous une idée du délai dans lequel il sera présenté au parlement ?
Mme Bianca Debaets, secrétaire d'État.- Je pense qu'il pourra être présenté d'ici l'été si le travail suit son cours.
M. André du Bus.- C'est intéressant, d'autant plus si l'objectif est de décliner ce principe au sein de chaque cabinet. Ce ne sera pas non plus sans répercussion au niveau local, ne serait-ce que via le ministre ayant la tutelle sur les communes. On peut ainsi espérer un effet démultiplicateur.
Nous attendons donc votre projet d'ordonnance.
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