Discussion avec Mme Cécile Jodogne, ministre en charge de la Fonction publique
M. André du Bus.- Depuis des années, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, la politique pour l'intégration professionnelle des personnes handicapées s'est développée dans plusieurs directions : des mesures incitatives, des mesures d'accompagnement et d'intervention en entreprise, des plans de diversité axés notamment sur les personnes handicapées, mais aussi des obligations d'emploi dans le secteur public.
Les dispositions du décret du 9 juillet 2010, qui vise à lutter contre les discriminations et à promouvoir le principe d'égalité de traitement dans le cadre, d'une part, des compétences communautaires exercées par la Commission communautaire et, d'autre part, dans le cadre des relations professionnelles au sein de la fonction publique de la Commission communautaire française, sont entrées en vigueur. Cette réglementation assure la transposition des directives européennes tendant à lutter contre les discriminations.
L'arrêté royal du 5 mars 2007 organisant le recrutement des personnes handicapées dans la fonction publique administrative fédérale prévoit que les services publics doivent offrir de l'emploi aux personnes handicapées à concurrence de 3% de leur effectif.
À Bruxelles, la Commission communautaire française avait pour objectif de dépasser ce chiffre de manière volontariste et d'atteindre un taux de 5% de recrutements et d'engagements de personnes en situation de handicap dans ses services. Ainsi, la Cocof a adopté deux nouveaux textes visant à favoriser l'intégration professionnelle des personnes handicapées. Ils visent à lever certains freins à l'emploi et à améliorer les possibilités d'intégration professionnelle.
Malgré une législation fédérale en faveur des personnes en situation de handicap et mettant en place une obligation d'emploi des personnes handicapées par les entreprises privées ainsi que dans le secteur public, la Belgique traîne un certain retard au vu de la norme européenne.
En Commission du budget, vous avez abordé cette problématique. En effet, un quota est prévu pour les personnes handicapées dans la fonction publique. Or, une majorité de ces personnes refusent de se répertorier comme telles, voyant cela comme une forme de stigmatisation. Les chiffres de ces travailleurs dans la fonction publique ne sont donc pas atteints.
Pourriez-vous nous dire quel est le nombre de personnes, en situation de handicap, engagées au sein de la fonction publique de la Commission communautaire française ?
Comment pourrions-nous faire en sorte de valoriser cette situation de handicap ? Serait-il envisageable de créer une cellule pour informer davantage ces personnes sur leurs droits dans le secteur ?
Y a-t-il vraiment dans ces contrats une valeur ajoutée proposée à ces personnes ? Si oui, ne faudrait-il pas revoir ces acquis afin de mettre plus en valeur le secteur de la fonction publique dans son offre précise d'emplois en corrélation avec les particularités des personnes en situation de handicap ?
(Applaudissements sur les bancs de la majorité)
Mme la présidente.- La parole est à Mme Jodogne.
Mme Cécile Jodogne, ministre.- Je suis interpellée en ma qualité de ministre de la Fonction publique, responsable à ce titre de l'accueil des personnes handicapées dans l'administration de la Cocof. Je ne pourrai dès lors pas répondre à certaines questions ou remarques qui, quelle que soit leur pertinence, ne relèvent pas de mes compétences, mais bien de celles de ma collègue Céline Fremault. D'autres questions, posées en complément de l'interpellation de M. du Bus de Warnaffe, sont à ce point précises qu'il m'est également impossible d'y répondre dans cet hémicycle.
Il est difficile de connaître le nombre exact de personnes en situation de handicap engagées dans la fonction publique de la Commission communautaire française, car de telles données sont par principe confidentielles.
Or, nous n'avons pas accès à la Banque carrefour de la sécurité sociale (BCSS). Seules nous sont donc accessibles les données chiffrées relatives aux personnes handicapées reconnues par le service Phare (Personne handicapée autonomie recherchée), c'est-à-dire les données qui concernent des francophones domiciliés en Région bruxelloise.
Pour rappel, l'objectif d'un taux d'occupation de 5% de personnes en situation de handicap parmi le personnel de la Commission communautaire française concerne uniquement les agents statutaires. L'article 279/1 du statut indique notamment, que "le service des ressources humaines établit une liste des agents statutaires et des stagiaires qui souhaitent se déclarer comme personnes handicapées au sens de l'article 272/2, pour pouvoir bénéficier des dispositions de la présente partie".
Selon les informations transmises par l'administration, aucune déclaration en ce sens n'a été introduite auprès du service des ressources humaines depuis l'entrée en vigueur de cette disposition réglementaire. Aucune liste n'a donc pu être établie. Sur ces bases, nous n'avons pu établir qu'un recensement partiel.
À la date du 31 décembre 2014, le nombre d'agents statutaires des services du gouvernement s'élevait, tous niveaux confondus, à 507 personnes. Le service Phare nous a confirmé que, selon ses critères, 12 agents ont été reconnus comme personnes en situation de handicap depuis juin 2013.
Or, 234 des 507 agents statutaires habitent la Région de Bruxelles-Capitale. L'objectif de 5 % - 5,1% même - pourrait donc être atteint dans le groupe pour lequel les données sont disponibles. C'est la raison pour laquelle je vous ai répondu en ce sens, Mme Persoons. Mais j'admets bien volontiers que nous ne pouvons peut-être pas extrapoler ce pourcentage à l'ensemble des fonctionnaires. En tout cas, en ce qui concerne ceux dont nous disposons avec certitude de l'information, les 5% sont atteints.
Néanmoins, j'ai une autre réserve à formuler concernant le nombre d'agents en situation de handicap pour l'ensemble du personnel, qui est incontestablement plus élevé : 273 agents sont domiciliés dans les deux autres Régions. Parmi ceux-ci, certains peuvent être reconnus comme porteurs de handicap par d'autres institutions telles que l'Agence wallonne pour l'intégration des personnes handicapées (Awiph) et le VDAB (Vlaamse Dienst voor Arbeidsbemiddeling en Beroepsopleiding), puisque certains agents sont susceptibles d'habiter en Région flamande. Pour ceux-là, nous ne savons pas si le pourcentage de 5% est atteint.
Enfin, nous avons pu constater que, parmi le personnel contractuel, plusieurs agents porteurs d'un léger handicap mental refusent de se faire reconnaître officiellement et, par conséquent, de bénéficier de quelconques facilités pour faire partie d'une sélection organisée par le Selor. Comme Mme Persoons, vous l'avez souligné. J'ai entendu cela dans une commune que je connais très bien. Il existe effectivement une volonté de beaucoup de ne pas se déclarer bénéficiaires de ces facilités.
On ne peut donc pas dire que, parmi les personnes qui ont réussi les procédures de recrutement, aucune n'est porteuse d'un handicap. Il y en a peut-être, mais qui ne souhaitent pas que ce soit officialisé. C'est tout à fait leur droit de ne pas vouloir officialiser leur situation, puisqu'il s'agit de données personnelles. Voilà la difficulté d'avoir une certitude sur les nombres.
Pour répondre aux questions suivantes, le service Phare de la Commission communautaire française diffuse des informations sur les obligations d'emploi de personnes en situation de handicap dans le secteur public au niveau fédéral et des Régions.
En outre, il propose différentes interventions pour favoriser l'emploi des personnes handicapées dans le secteur public :
- la prime d'insertion, qui permet d'intervenir jusqu'à 65% du coût salarial pour compenser la perte de rendement du travailleur en situation de handicap, avec une restriction par rapport au secteur privé où l'on ne peut intervenir qu'à condition qu'il y ait un travailleur handicapé pour 20 travailleurs, l'intervention portant alors sur le travailleur supplémentaire ;
- le contrat d'adaptation professionnelle, qui prévoit une période de formation par le travail de maximum trois ans avec un programme de formation, l'intervention consistant en un complément de rémunération à charge de l'employeur à raison d'un euro de l'heure la première année et de 1,5 euro les années suivantes ;
- la prime de tutorat, qui permet à l'employeur de dégager du temps à un agent pour accompagner la personne qui vient d'être recrutée, avec une intervention de 500 euros par mois pour l'employeur pour maximum un an ;
- la prime à l'intégration, qui permet de donner une formation à des collègues d'un travailleur handicapé (par exemple pour la langue des signes), avec une intervention de 1.500 euros maximum ;
- l'adaptation du poste de travail, dont le coût est supporté par une intervention intégrale ;
- les frais de déplacement, avec le remboursement des frais supplémentaires de déplacement pour la personne handicapée qui ne peut pas prendre les transports en commun (taxi, voiture personnelle, etc.), soit un aller-retour par jour.
Enfin, pour rappel, les obligations en la matière ont été modifiées par un arrêté de juin 2013, tandis que le précédent gouvernement a demandé à la nouvelle direction de l'institution, c'est-à-dire aux mandataires désignés en novembre 2013, d'élaborer un plan d'action relatif à la politique de diversité en matière de recrutement et de gestion de carrière des agents, plan qui doit notamment cibler les personnes en situation de handicap. Le gouvernement actuel a maintenu cette demande.
Sont prévus notamment :
- la constitution d'une réserve spécifique de recrutement lors des concours organisés par la Cocof ;
- l'aménagement de l'accueil, des formations et des examens ;
- la rédaction, par l'administratrice générale, d'un rapport relatif à l'emploi des personnes handicapées pour le 30 juin de chaque année ;
- la désignation d'agents d'accompagnement et d'un comité de suivi.
La mise en œuvre de ces mesures et des obligations nouvelles n'a pas pu être entièrement finalisée en 2014. Le point a notamment été évoqué récemment dans le cadre de la concertation sociale et il a été convenu que cette mise en œuvre serait poursuivie et finalisée en 2015. Cela signifie notamment qu'un rapport circonstancié sera élaboré et diffusé au plus tard pour le 30 juin 2015.
Je serais donc moins pessimiste que MM. Van Goidsenhoven et El Ktibi quant au fait que rien ne bouge et que rien n'est fait. Je parle évidemment ici de ce qui se passe à la Cocof. Il y a certes encore beaucoup de chemin à parcourir, mais une avancée certaine a été notée ces dernières années. On ne peut que s'en réjouir.
(Applaudissements sur les bancs de la majorité)
Mme la présidente.- La parole est à M. du Bus de Warnaffe.
M. André du Bus.- Dans le contexte que nous connaissons, est-il pertinent de fixer des quotas, alors qu'il est impossible de vérifier s'ils sont atteints ? C'est une situation étrange, qui remet en cause notre manière de procéder.
Nous devrions réfléchir à d'autres procédures pour saisir l'information, car se fixer des quotas et ignorer s'ils sont atteints et quand ils le sont n'a pas de sens !
- Se connecter pour poster des commentaires