Question à Madame Cécile Jodogne, Ministre en charge de la santé
M. André du Bus.- Nous ne sommes pas insensibles aux efforts que vous avez consentis depuis plus de deux ans afin de clarifier et donner une nouvelle impulsion au secteur de la promotion de la santé à Bruxelles. À tel point que les différentes associations avec lesquelles mon groupe et moi-même avions des contacts réguliers nous ont lancé des signaux assez positifs depuis quelque temps. Elles affirmaient que les contacts avec le cabinet étaient bons, qu'elles étaient entendues et que les choses allaient bon train. Les propos de Martine Payfa vont dans le même sens. Dans ce contexte, j'ai été étonné de recevoir il y a quelques semaines un courrier de la Fédération bruxelloise de promotion de la santé, dans lequel étaient relayées toutes les questions qui ont été posées ici par nos collègues. Il en va du jeu parlementaire : une fois qu'une fédération sectorielle existe, son rôle est de relayer, de façon transversale, les inquiétudes d'un secteur en s'adressant à chacun des partis. Dès lors, j'aimerais savoir où le bât blesse. Tout semblait bien se passer entre les associations du secteur et vous-même jusqu'à ce que, tout à coup, un problème non négligeable survienne. Les questions qui sont reprises par les fédérations concernent la hauteur du budget, la période transitoire, le sort réservé aux associations dont les conditions de recevabilité ne sont pas remplies, etc. Il y a donc un souci et je m'en étonne. Quand j'ai reçu ce courrier, je me suis demandé ce qui se passait au cabinet de Cécile Jodogne. Tout semblait pourtant bien se dérouler. J'aimerais donc vous entendre à ce propos. Plusieurs de mes collègues ont aussi évoqué la situation de l'asbl Ex Æquo, que nous avions déjà relayée lors de notre intervention à l'occasion de la déclaration de politique générale de la ministre-présidente, Fadila Laanan, il y a quelques semaines. Celle-ci nous avait demandé comment nous, au cdH, si soucieux de transparence et de bonne gouvernance, nous pouvions remettre en cause un problème de forme : le fait qu'Ex Æquo avait remis son projet un peu trop tard. La bonne gouvernance imposerait donc que si un problème de forme est identifié, on ne peut donner de suite correcte à la demande de l'association. Nous n'allons tout de même pas tomber dans le formalisme absolu et pousser le sens de la gouvernance à l'exposant dix pour mettre sur la touche une association dont tout le monde s'accorde à dire qu'elle est indispensable ! Nous prononçons donc un plaidoyer pour que l'intelligence soit au rendez-vous et qu'une solution crédible puisse être offerte à cette association, de telle sorte qu'elle puisse poursuivre ses activités d'aide aux gays, lesbiennes et transgenres qui vivent des situations difficiles.
Mme la présidente.- La parole est à Mme Jodogne.
Mme Cécile Jodogne, ministre.- Je vous remercie de me donner l'occasion de faire le point sur ce dossier majeur que constitue la mise en place du dispositif de promotion de la santé à Bruxelles. L'appel public basé sur le plan de promotion de la santé 2018-2022 a été lancé en juin 2017 et a été clôturé le 15 septembre dernier. Je remercie, au passage, M. Van Goidsenhoven pour le très bel historique qu'il nous a livré du dossier et de son contenu. Je tenais à le souligner, car il me dispense ainsi d'y revenir. Il s'agissait d'une excellente synthèse de ce dossier depuis le transfert de la compétence. L'appel à projets porte sur quatre types de structures :
- un service d'accompagnement ;
- sept services de support ;
- quatre réseaux ;
- des acteurs portant des projets ou des programmes.
Voici à présent les chiffres relatifs au nombre de dossiers reçus et à leur recevabilité. Au total, nous avons reçu 87 dossiers :
- 12 candidatures en tant que services d'accompagnement ou de support ;
- 70 candidatures en tant qu'acteurs (programmes et projets confondus) ;
- 5 candidatures en tant que réseaux.
En 2017, 42 programmes de promotion de la santé ont été financés dans le cadre du standstill. On assiste donc à un quasi-doublement par rapport au nombre de dossiers traités aujourd'hui. La proportion de nouveaux acteurs porteurs de nouveaux projets et de nouveaux dossiers ayant répondu à l'appel frise donc les 50%. Cela témoigne à la fois de la bonne publicité qui a été faite de l'appel à projets et de l'intérêt des opérateurs pour la promotion de la santé. Parmi ces 87 dossiers, huit ont été jugés irrecevables par l'administration. Les motifs ayant amené à une notification d'irrecevabilité sont :
- la non-utilisation du formulaire de candidature tel qu'approuvé par le Collège et fourni dans le cadre de l'appel à projets ;
- le statut juridique, par exemple le fait d'être une association de fait et pas une asbl ;
- la remise d'un dossier complet au-delà du délai du 15 septembre.
Ces motifs étaient clairement indiqués dans les formulaires de candidature. L'association Ex Aequo est l'un des huit organismes dont le dossier a été jugé irrecevable. C'est la seule association financée dans le cadre du standstill qui est dans ce cas. Les sept autres sont de nouveaux opérateurs. C'est la non-utilisation du formulaire qui a mené à cette décision. En effet, l'association a utilisé un canevas qui ne reprend que très partiellement le formulaire fourni : plusieurs titres ont été reformulés et simplifiés, la numérotation n'a pas été respectée, l'ordre de certains chapitres a été inversé et une question a été formellement éludée. L'association ayant remis son dossier le jour de la clôture de l'appel à 15h10, il n'a pas été possible de lui demander de le revoir dans la forme. Mme Plovie, vous évoquez les modalités de subsidiation de plus en plus exigeantes et la difficulté pour de petites structures de pouvoir répondre adéquatement aux exigences, et vous m'interrogez sur l'accompagnement proposé par l'administration à ces structures. Je me permets de vous répondre en rappelant trois éléments :
- une réunion d'information a été organisée à mon cabinet pour présenter le plan et les modalités de candidature, ainsi que pour répondre aux questions des acteurs du secteur. Une centaine de personnes étaient présentes et de nombreuses questions ont été abordées, dont certaines relatives aux formulaires ;
- le formulaire a, par ailleurs, été pensé de manière à soutenir les plus petites structures dans la construction de leurs projets et la version finale a été fortement simplifiée, suivant ainsi l'avis du conseil consultatif. À l'inverse, je dirais même que le fait d'avoir un formulaire bien structuré aide les plus petites structures, qui ont effectivement moins de moyens, notamment en personnel, pour répondre aux appels à projets ;
- s'agissant du respect du formulaire, tous les acteurs, à l'exception d'un seul, l'ont repris tel quel. Cela a protégé ces 78 acteurs du risque d'irrecevabilité. Je ne m'explique pas pourquoi Ex Æquo a modifié le formulaire, ce qui était plutôt de nature à compliquer son travail.
Concernant la sélection sur le fond et la procédure de désignation en tant que telle, il convient de rappeler ce que prévoit le décret : "L'administration analyse l'ensemble des dossiers reçus et recevables sur la base d'une grille annexée à l'arrêté d'exécution du 16 février 2017. En parallèle, la section promotion de la santé du Conseil consultatif examine les dossiers de candidatures des services d'accompagnement et de support, ainsi que les dossiers des acteurs et réseaux demandant une subvention supérieure à 50.000 euros. Les membres de la section utilisent pour cela la même grille d'analyse que celle utilisée par l'administration, qui est connue des candidats à l'appel à projets. Enfin, le Collège décide de la désignation et du montant accordé aux services, acteurs et réseaux". Il est inutile de vous dire que mes collaborateurs, les services de mon administration et les membres du Conseil consultatif bruxellois francophone de l'aide aux personnes et de la santé travaillent d'arrache-pied afin de suivre scrupuleusement la procédure inscrite dans le décret tout en respectant les délais. Vous m'interrogez sur les procédures de rattrapage et de recours de manière générale, et spécifiquement pour l'asbl Ex Æquo. De manière générale, Mme Geraets, je me permets de vous rappeler que le Plan de promotion de la santé vise à déterminer des priorités en termes d'objectifs, de stratégies et d'actions. Il est donc normal que des organismes qui, après analyse, ne rentrent pas dans ces priorités, ne fassent pas ou plus l'objet d'un financement pluriannuel dans le cadre de ce plan. C'était aussi une donnée bien connue du secteur. Si le Collège estime toutefois que tel ou tel acteur mérite d'être soutenu sur la base d'autres critères, il est toujours possible d'obtenir un financement en initiatives, par conséquent sur une base annuelle. Je réponds donc tout de suite à M. Van Goidsenhoven : il n'y a pas de fusion de l'article budgétaire relatif aux initiatives avec celui de la promotion de la santé, mais il y a eu un transfert d'une partie des moyens. Comme vous le constaterez dans les documents qui vous seront transmis très prochainement, nous avons maintenu un budget en initiatives. Cependant, ce dernier a été diminué et transféré en partie vers la promotion de la santé. Enfin, le décret ne prévoit pas de procédure de recours autre que le Conseil d’État. En ce qui concerne spécifiquement l'association Ex Æquo, je veux être très claire devant cette assemblée : la prévention du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) et des autres infections sexuellement transmissibles, particulièrement parmi les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, qui forment le public de cette asbl, constitue bien un axe prioritaire du plan. Les actions d'information et de dépistage réalisées parmi ce public ont tout leur sens dans une ville et une Région comme Bruxelles. Cependant, l'asbl Ex Aequo a, pour des raisons que je ne m'explique pas, remis un dossier irrecevable dans le cadre de l'appel à projets. Je ne vous apprends rien : les critères de recevabilité relèvent de la pure forme. Ils constituent un préalable à l'examen sur le fond et sont donc examinés indépendamment de la qualité d'un projet ou d'un programme, ou de son caractère prioritaire ou non. Ils permettent d'accorder un traitement équitable à l'ensemble des dossiers. Comme vous le savez, je suis particulièrement attentive à cette question d'équité. De plus, l'utilisation d'un formulaire standardisé permet de faciliter l'examen d'un grand nombre de candidatures par l'administration et le conseil en un temps limité, mais aussi de garantir le traitement le plus objectif, et donc le plus équitable, dans l'analyse des dossiers de candidature. Des contacts ont eu lieu entre l'administration, mon cabinet et l'association, afin de pouvoir identifier des solutions qui ne mettent pas en péril les actions de terrain, tout en respectant les procédures. Nous avons proposé à l'association d'introduire une demande en initiatives pour l'année 2018, afin de garantir la continuité de ses actions. Cela représente à tout le moins une solution à court terme qui demande peu de travail supplémentaire à l'asbl. À moyen terme, une fois les décisions prises par le Collège pour l'ensemble des dossiers reçus, nous devrons analyser dans quelle mesure les priorités du plan sont couvertes. Ceci répond à la question de Mme Geraets. Le décret n'interdit pas de réaliser un nouvel appel à projets, par exemple dans le courant de l'année 2018, qui serait centré sur les priorités qui ne sont pas couvertes ou qui le sont imparfaitement. Cela pourrait représenter une occasion, pour des acteurs du secteur, de soumettre à nouveau un dossier qui répond à la fois aux critères de recevabilité et aux priorités du plan. Jusqu'à présent, je n'ai pas reçu de réaction favorable d'Ex Æquo par rapport à ces propositions et perspectives. Je le regrette car, je le répète, elles seraient de nature à garantir la poursuite des actions de l'asbl sans perte de moyens. Une rencontre avec l'administration et mon cabinet a été envisagée pour en parler concrètement, mais l'association semble plutôt vouloir se placer sur le terrain juridique, puisque nous avons reçu une lettre de son avocat. En ce qui concerne l'agenda et le budget, il est un peu tôt pour répondre sur les aspects budgétaires, qui vous seront présentés dans les semaines qui viennent en commission. Cependant, je vous ai déjà confirmé en partie qu'un montant plus important allait être attribué à la promotion de la santé. De son côté, le Collège ne peut prendre des décisions sur les divers financements qu'une fois le budget voté par le parlement. Je veille toutefois au strict respect de l'agenda et, comme je vous l'ai dit, toutes les instances concernées travaillent dans cet esprit. Je tiens d'ailleurs à souligner l'énergie et le temps qui ont été consacrés, tant au sein de l'administration qu'au niveau de la section du Conseil consultatif et de mon cabinet, pour parvenir à respecter les délais, y compris celui du 1er janvier 2018, date à laquelle toutes les associations seront informées de la situation de leur dossier de candidature. M. Van Goidsenhoven, il n'y aura pas de modification sensible des délais habituellement observés ces dernières années pour liquider les subsides. Une information sera donnée avant la fin de l'année pour les dossiers retenus. Pour eux, ce sera "business as usual", ce qui signifie que des tranches seront liquidées en fonction des justificatifs. Aucun vide ne se mettra donc en place du fait de la mise en œuvre du Plan de promotion de la santé, et donc de la mise en œuvre des résultats des appels à projets. Je ne pense pas qu'il faille revenir sur les éléments qui ont motivé le recours à un appel à projets plutôt qu'à une reconnaissance par agrément. Je rappelle ma volonté et celle du Collège, confirmée ensuite par le parlement, de travailler par priorités. La promotion de la santé n'est pas figée. Elle évolue parallèlement à notre population et en fonction des résultats positifs de telle ou telle autre campagne de promotion, qui permettraient de s'attaquer à d'autres problèmes. Dans ce contexte, un système d'appels à projets avec des agréments d'au moins trois ans renouvelables sur cinq ans répond à cet objectif de stabilité du secteur, tout en offrant la possibilité de modifier les priorités et de faire évoluer notre politique de promotion de la santé en Région bruxelloise. Le système d'appels à projets est efficace, car il répond au mieux à l'évolution des besoins en promotion de la santé dans notre Région. Je pense ainsi avoir répondu à vos interpellations.
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