Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les Ministres, Chers Collègues,
Bruxelles va se voir doter d’un outil spécifique pour articuler la promotion de la santé en réponse à ses besoins qui restent immenses, pointant comme objectif majeur la réduction des inégalités sociales de santé.
Même si le décret devra encore faire ses preuves et relever l’enjeu de sa lisibilité, nous saluons cette étape qui a été franchie avec une collaboration déterminée du secteur tout en intégrant aussi quelques enseignements de l’évaluation de l’ancien décret, réalisée voici quatre ans.
Nous nous réjouissons de voir un texte qui reprend l’historique de la promotion de la santé, concept qui percole de mieux en mieux auprès de multiples acteurs sociaux et publics. En effet, ce texte pose, pour la première fois, de nouvelles fondations solides quant à l’histoire de la promotion, tout en intégrant une vision globale et positive de la santé, et en mettant l’accent sur les déterminants de la santé et ses inégalités sociales.
Ceci étant, la situation reste inconfortable. Largement. Parce que la promotion de la santé reste encore trop cantonnée dans le giron de la Cocof. Parce que ses champs d'action ne débordent que très/trop timidement des compétences de la Cocof. Parce que l'on cherche la volonté politique réelle d'assurer la transversalité de cette matière dans les autres secteurs de la politique bruxelloise, comme l'invite le projet de Bruxelles, Ville-Région en santé.
Ce qui n'est pas un projet vraiment neuf. J'ai encore en mémoire la première adhésion de Bruxelles au concept de Ville Santé, c'était en 1995. Vous étiez, Madame la Ministre, à l'époque conseillère du ministre Gosuin, et moi, conseiller du Ministre Harmel. Je reconnais, au vu de votre position actuelle, que, depuis lors, votre parcours est nettement plus en vue que le mien !
Pour rappel, l’adhésion au réseau européen des « Villes-Santé » de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) est l’engagement pris par les autorités publiques d’une ville, ou d’une région dans notre cas, à faire converger ses politiques vers un ensemble de principes de santé citoyenne et communautaire. Notre région s’inscrit et adhère à ce réseau « Villes-Santé » de l’OMS. Le projet « Bruxelles, Ville-Région en santé » se concentre sur trois grands objectifs :
- Améliorer la cohérence des politiques de santé bruxelloises
- Développer des politiques de lutte contre les inégalités sociales face à la santé
- Promouvoir la transversalité des politiques.
Autant d'éléments qui sont en phase totale du nouveau décret et qui me donnent l'occasion de m'étendre davantage sur l'enjeu de la transversalité.
Cet objectif de transversalité est un levier d’action que nous, politique, détenons pour améliorer d’une façon plus efficiente, efficace et équitable la santé des bruxellois en abordant les enjeux de la santé par un prisme plus large.
Pour illustrer ces propos, je développerai un exemple : le lien entre l’urbanisme et la santé. Actuellement, il existe encore un fossé entre ces deux domaines d’actions.
Les projets d’urbanisme restent, malheureusement, trop souvent centrés sur les aspects techniques et environnementaux. Les institutions et les procédures administratives cloisonnées sont la cause d’une non-collaboration entre ces deux champs.
Or, il est important de rappeler que, dans un premier temps, l’urbanisme et l’aménagement du territoire sont des déterminants majeurs de la santé. La plupart de leurs composantes influencent la santé : le logement, l’emploi, l’accès aux services, la politique concernant les espaces publics, les transports, le cadre de vie, les espaces verts, etc. Je prends un exemple plus précis encore, extrait du dernier numéro de « la santé en action » consacré exclusivement aux liens entre l'urbanisme et la santé.
Réfléchissons un instant à la façon dont un espace de jeux est pensé : est-il équipé surtout de mobilier tel que des balançoires, des structures pour grimper et escalader ou plutôt incitera-t-il à raconter des histoires, à se cacher, à favoriser des expériences sensorielles avec la terre, le sable, l'eau...Favorisera-t-il la rencontre et l'expression, ou participera-t-il surtout à la gestion de l'explosion psychomotrice ? Ou un mixte des deux ?
Chacun des choix posé est porteur de sens et porteur de santé. C'est intéressant d'en prendre conscience.
Autre exemple, on connaît l'incidence sur la santé de la pratique régulière de la marche et celle du vélo. Sur le plan urbanistique, la place consacrée aux vélos et aux piétons a une incidence directe sur la santé. Ce n'est qu'en multipliant les zones sécurisées pour les vélos que l'on augmentera le nombre de cyclistes. C'est donc en réfléchissant aux types d'aménagements urbains que l'on suscite des évolutions dans les comportements.
Tous ces éléments ont donc une incidence directe sur l'état de bien-être physique, mental et social.
Dans un second temps, l’urbanisme a un impact majeur sur les inégalités sociales de santé. Les inégalités sociales sont accrues par l’exclusion sociale en matière de logement, de transports et d’accès aux services. Ces inégalités peuvent être analysées à travers une perspective de planification spatiale de notre ville. Par exemple la façon dont est pensée l'offre de transports en commun peut ou non combattre les inégalités sociales de santé, en désenclavant certains quartiers, en renforçant la mobilité pour tous on donne à chacun l'occasion d'élargir la représentation mentale de son cadre de vie.
On connaît les résultats de l'étude d'Andréa Réa sur les cartes mentales des adolescents, leurs représentations de Bruxelles qui varient suivant leurs quartiers de vie, et qui renforcent ou non le repli sur soi. Avec les ségrégations et exclusions sociales à la clé et le sentiment de manque de confiance en soi qui y est corrélé.
Un urbanisme qui suscite et favorise l'échange et la participation des habitants dans l'aménagement de leur propre quartier est éminemment porteur de santé, il lutte contre les inégalités spatiales de santé ! Je sais que c'est un des objectifs, malheureusement non dit, non suffisamment reconnu, des contrats de quartiers.
Ces exemples permettent d’illustrer toute l’importance et l’impact réel que peut avoir une politique transversale de la santé. Ils illustrent notre responsabilité et notre devoir politique en la matière.
Le texte, votre texte, Madame la Ministre, fait aussi référence, et largement, au concept de transversalité. Le décret mentionne, à plusieurs reprises, que « la promotion de la santé ne relève pas seulement du secteur sanitaire : elle dépasse les modes de vie sains pour viser le bien-être ». Dans son introduction, le décret évoque de façon remarquable l’ensemble des déterminants de la santé. Où il est question de niveau de revenu, de statut social, d’éducation, d’emplois, de culture, de conditions de travail, d’environnements physiques et sociaux, etc. Autant de matière qui déborde largement de la Cocof.
Cependant, après lecture et débat du texte, nous peinons toujours à comprendre comment le décret parviendra à faire comprendre, à assurer la plus-value de la promotion de la santé et à décliner cette transversalité de manière opérationnelle. Le texte pose les prémices théoriques d’une éventuelle transversalité mais nous sommes encore loin de sa mise en œuvre. Cette transversalité dépend encore trop du bon vouloir des autres compétences ministérielles avec lequels des accords de coopération devront être conclus.
La mise en œuvre d’une transversalité doit aussi passer par une cohérence des différents niveaux de pouvoir. Ce texte expose encore certaines incohérences, comme nous l’évoque le FARES. L’avis du Conseil d’état a émis une réserve quant aux publics cibles du ressort de l’ONE. Les programmes de promotion de la santé ne doivent pas viser les jeunes scolarisés, compétence du ressort de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Or, le volet tabagique du FARES travaille certes avec des professionnels, mais vise, in fine, les jeunes scolarisés. Une incohérence au niveau politique se répercute de manière concrète sur le terrain.
Mon groupe politique votera positivement ce nouveau décret relatif à la promotion de la santé. Parce qu'il représente une avancée dans le trop lent combat de la promotion de la santé qui devrait habiter toute réflexion politique. Et je persiste à croire qu'il s'agit d'une saine utopie que de poursuivre ce combat politique. Nous resterons donc vigilants quant à la mise en œuvre de ce décret, sa déclinaison opérationnelle sur le terrain mais surtout quant à la mise en place d’une progressive transversalité en matière de santé.
Je vous remercie pour votre attention,
André du Bus
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Bonjour André,
Je te rejoins parfaitement sur l'urgence de la situation d'une part (20% des jeunes de -18 ans en surpoids sévère ou obèses) et de la nécessité de la transversalité. Cela fait plusieurs années que je tente de généraliser les cours de premiers soins dans les écoles non sans difficultés, comme pour des projets visant l'alimentation, ou l'activité physique avec des réticences à tous les étages, personne ne se sentant concerné. A mon avis il y a un problème de définition des compétences (médecine préventive, curative ?) de niveau de pouvoir (la FWB perd sa DG Santé), l'ONE dépendant (indirectement) de la ministre de l'enseignement, et de moyens. Comme tu le dis la transversalité doit être horizontale au niveau des Régions mais aussi verticale (fédéral, régions, communes). Il faudrait que le fédéral investisse plus dans le préventif en rétrocédant par exemple 1% de son budget aux niveaux inférieurs. L'action préventive est quasi nulle par manque de moyens mais aussi par manque de transversalité. Je le vois au niveau de la FWB où il est très difficile de travailler avec l'Adeps partenaire indispensable de la santé et avec des ministres cdh en plus. Chacun reste dans son coin de peur de l'autre. Je crois que tant qu'il n'y aura pas une obligation de travailler ensemble la bataille sera perdue. Il faudra aussi oser parler du coût des lobbies pharmaceutiques et médicaux . Voilà pour ma petite contribution. Bien à toi et bon we. Olivier